HENRI Boulanger avait promis à son petit Ghislain, dixième d’une famille de vingt enfants, de lui donner son accordéon s’il apprenait à jouer « Ah! les fraises et les framboises ». C’est avec ce marché conclu que sa vie musicale commence. À cinq ans, assis sur une chaudière de graisse, il fait danser la paroisse de Sainte-Félicité sur des « reels », des valses, des sets carrés... Les autres paroisses du comté se l’arrachent : Saint-Thomas-de-Cherbourg, Grosses-Roches, Matane… Henri, pétant de fierté, proteste à peine : « Vous allez me le brûler! »
Plus tard, l’accordéon est remplacé par l’harmonica et le violon de son grand-père. Et puis, avec sa belle voix, le curé aimerait bien qu’il soit enfant de chœur... pas question! Dès qu’il découvre Elvis Presley, c’est plutôt la guitare qui l’intéresse. Un beau jour, en revenant de l’école, une belle surprise l’attend : sa mère en avait commandé une par catalogue Simpson’s. Il se met aussitôt à jouer, tout en chantant les grands succès de sa vedette préférée. Il y passe tous ses moments libres, jour et nuit, au point où ses parents doivent le disputer : « Assez! C’est le temps de dormir! »
Des Américains proposent de lancer sa carrière aux États-Unis. Ses parents déclinent l’offre. Il est bien trop jeune : à peine douze ans! Plus tard établi à Montréal pour terminer ses études, puis « fonder une famille », Ghislain gagne un concours de chant, le « Star Académie » des années soixante au Québec : Les découvertes de Jean Simon. Ce découvreur de talents et imprésario de Ginette Reno, Anne Renée, Shirley Théroux, les Baronets (René Angelil) et Serge Laprade notamment, supplie Ghislain de le laisser gérer sa carrière, lui promettant la célébrité. Notre jeune chanteur aurait pu réaliser un grand rêve, mais être présent pour sa famille, c’était primordial.
L’avènement du numérique l’amène à faire des arrangements musicaux et de l’orchestration. Il se produit toujours, ici et là, à l’occasion de mariages, de fêtes de famille ou dans des restaurants.
À l’instar de plusieurs musiciens prodiges, sa formation est purement autodidacte : il doit son apprentissage à une pratique intensive et à une longue expérience. Depuis 2011, il insuffle sa passion à un nombre toujours grandissant d'élèves, tant en guitare qu'en chant. Plusieurs (presque tous) ont gagné des médailles d'or, ou même or avec mention au Concours Bravissimo de Laprairie. Ad Lib en spectacle, présenté pendant 7 ans à Châteauguay (2012-2018) a donné à plusieurs l'occasion de "découvrir leur voix".
Ses élèves l’aiment pour sa patience et sa joie. C’est qu’ils ont sans doute remarqué que Ghislain accompagne toujours son dernier accord d’un éclat de rire.